avril 2023 – Une histoire de rencontre et d’éveil des sens

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Le 29 avril 2023, l'association Envie d’environnement a organisé une balade artistique et culturelle dans le bois de Paris en partenariat avec l’artiste chorégraphe Isabelle Leroy-Mahou et Bernard Levy passionné d’histoires. Cette sortie intitulée « Une histoire de rencontre et d’éveil des sens » s’inscrit dans le programme de sensibilisation « Gardons nos forêts » dans les Espaces Naturels Sensibles, dont fait partie le bois de Paris, et qui est coordonné par le Centre Permanent d’Initiatives à l’Environnement (CPIE) du Gard et soutenu par le Conseil Départemental 30.

   

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Lors de cette journée, nous avons remonté le temps pour apprendre comment vivaient nos ancêtres en relation avec la nature en éveillant nos 5 sens. Cette belle journée s’est déroulée sous un grand soleil en pleine nature où le groupe d’une vingtaine d’adultes et d’enfants ont pu traverser l’histoire de ce bois ponctuée d’instants de créations ludiques et poétiques en bougeant joyeusement son corps.

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Rentrons dans l’aventure et retraversons l’histoire sens après sens.  

- Le « toucher » tout d’abord où Bernard a rappelé aux participants que les humains peuplant notre territoire du paléolithique à la fin du 19ème siècle, ont commencé par marcher pieds nus sur la rocaille calcaire, dans les bois et dans la terre. Bien sûr, les gaulois puis les Romains présents dans notre vallée ont vite adopté des sandales en cuir puis des bottines pour protéger leur marche mais le contact avec le sol tout terrain était plus direct qu’avec nos confortables chaussures. Et que dire des sabots de bois adoptés par notre paysannerie jusqu’au début du vingtième siècle dont les claquements sur le sol empêchaient toute discrétion dans les déplacements. Si la sensation du « toucher » par le sol est quasi minérale, l’usage des mains est plus corporel. Dans une société à 98% manuelle, il faut imaginer des mains dures et calleuses maniant la terre, le bois ou le fer à longueur de journée. La souplesse de nos actuelles voutes plantaires ainsi que la douceur de nos mains, sont à l’aulne des siècles passés, une nouveauté qui n’est que le fruit de l’évolution de notre mode de vie.


 - L’ouïe : La pollution sonore nous a fait oublier le silence ou tout du moins les bruits d’antan. Mais qu’entendait-on qui nous échappe aujourd’hui ? Les bruits de la nature tout d’abord avec ceux d'une multitude d’animaux sauvages qui se sont raréfiés ou qui ont disparu, plus de hurlements de loups (encore chassés sur la commune en 1776), plus de chants des compagnies de perdrix, de déboulés de lapins dans les broussailles, moins de cris d’hirondelles, de martinets, de chouettes, de coucous, de grives, d’alouettes, de cailles des blés, de rapaces. Dans notre société agricole, la voix des paysans discutant pendant le travail permettait de les localiser, idem pour les nombreux troupeaux de moutons et de chèvres dont les bêlements et le tintement de la clochaille permettaient de les situer sans oublier l’aboiement des chiens et les sifflets des bergers. La moindre charrette avait son bruit complété par le bruit des sabots de la mule, de l’âne ou du cheval. Le bruit des cognées des bucherons lors des coupes de bois a lui aussi disparu. L'un des sons qui rythme la vie au quotidien est celui des cloches de l’église. Il annonce aussi bien la prière que l’heure. Il peut signifier un danger ou prévenir d’un décès. Jusqu’en 1891, l’heure est différente d’un territoire à l’autre voire d’un village à l’autre. Nos paysans pouvaient donc entendre plusieurs fois sonner 10 heures à l’heure de Carnas, ou de Gailhan ou de Sardan, etc..C’est le 14 mars 1891 qu’est décidée une heure identique sur tout le territoire National. Elle est justifiée par un nouveau mode transport que l’on ne doit pas rater pour cause d’erreur de ponctualité, le train. Ce dernier circule depuis 1872 entre les gares de Fontanes et Orthoux et si l’on n'aperçoit que son panache de fumée, à chacun de ses passages, on entend siffler le train…

 
 - L’odorat : Il oscille lui aussi entre nature et activités humaines. Si le printemps devait se parer d’une multitude de parfums de fleurs, l’odeur dominante dans notre campagne est celle de l’élevage et de son fumier. Jusqu’à la fin du 19ème siècle Carnas a été une terre d’élevage de moutons (bien que basse-cour, porcins, caprins, bovins et équidés soient aussi présents en nombre). Le fumier ainsi produit en quantité venait amender la terre et la parfumer. Le bois et le charbon étant les seules sources d’énergie pour cuisiner et se chauffer la multitude de cheminées crachait fumées et odeurs de brulé. Le temps des récoltes a laissé aussi des souvenirs olfactifs. Qu’il s’agisse du seigle, des blés, du fourrage ou des vendanges, chaque saison est ponctuée de son parfum. Enfin, si l’on se souvient que le monde paysan a une garde-robe très limitée, un travail harassant plein de sueur et une habitude de se laver très espacée par absence d’eau courante, on comprendra que le voyageur flairait sûrement le village avant d’y arriver.

 
 - Le goût : Le plaisir de la balade avait aussi pour objectif de redécouvrir la source de nourriture qu’offre la nature. Au-delà de la viande proposée par le gibier ou l’élevage, il a été amusant de détecter les fruits et légumes de notre territoire, l’asperge sauvage, le poireau des vignes, le fenouil, l’ail , les petites salades, les champignons mais aussi les figues, les amandes, les mures, les olives, les graines de cade dont on faisait de l’huile, les glands ramassés pour la farine ou encore les tubercules d’asphodèles remplaçant les pommes de terre en période de disette, bref, un vrai garde-manger à ciel ouvert..

  - La vue: Le déplacement en voiture nous concentre sur la route et sur les rapides paysages qui défilent. La randonnée dans les collines rend de la majesté au point de vue. Les collines entourant notre vallée offrent un point de vue panoramique magnifique. Du Castellet sur la commune de Saint Clément, on voit très bien au levant, le Mont Ventoux, la Sainte Victoire, les Salins du Midi, au sud, la mer resplendit tandis que le cordon littoral se laisse admirer. Au couchant, c’est le Pic Saint Loup tandis qu’au nord les Cévennes et le Mont Aigoual voire le mont Lozère découvrent en hiver leurs sommets enneigés. De tout temps, les guetteurs ont pu prévenir de multiples invasions (les Romains, les Goths, les Francs, les Maures, les Vikings) mais aussi les mouvements de troupes comme pour le siège de Sommières par Louis XIII le 14 août 1622. Si du haut de nos collines, certains viennent admirer les feux d’artifices du 14 juillet, d’autres à l’époque, pouvaient voir et entendre les charges de la cavalerie, les échanges des coups de feu, les explosions des bombardes et la clameur des soldats. 

En ces temps redevenus paisibles du haut de ces mêmes cimes, le coup d’œil sur Carnas autour d'un pique-nique partagé, a peut-être porté notre équipe de randonneur à redécouvrir des sens qui n’attendaient qu’à être réveillés.